Pierre et Gilles sont surprenants, engagés, follement documentés et attachés au Havre. La preuve : le MuMa leur consacre une carte blanche-rétrospective dans le cadre d’Un été au Havre, célébration des 500 ans de la Ville.
L’exposition (qui s’achève le 20 août au MuMa) commence par des photos mises en scène dans des cabanes de plage dans une salle avec vue sur la mer, présente un cabinet de curiosité de souvenirs et un accrochage d’œuvres choisies par Pierre et Gilles dans les collections du MuMa.
Je le confesse, je n’avais jamais vraiment creusé le travail de Pierre et Gilles avant cette exposition. Les premières œuvres que j’avais vues devaient être des photos pour la presse. Je les ai trouvées colorées, jolies, mais un peu superficielles, leurs images engagées sont pour moi venues ensuite, mais peut-être suis-je trop vite partie du principe qu’elles étaient elles aussi principalement visuelles, avec un engagement presque secondaire à l’image.
En présentant le travail de Pierre et Gilles depuis les photos de leurs amis prises et peintes à leur rencontre, le MuMa donne envie de gratter sous la surface. Dans l’expos se croisent Arielle Dombasle et Prince, Zahia et les dieux grecs, les religions, les naufragés du Sida et ceux qui pleurent.
L’œuvre de Pierre et Gilles y est politique, militante, profondément ancrée avec son époque, au point qu’on regrette un peu le manque de recontextualisation globale de certains travaux. On a envie de creuser, de comprendre pourquoi, de se souvenir plus précisément de l’actualité de l’époque.
Les deux artistes sont drôles, touchants, flamboyants, cinématographiques, font de Dita von Teese un sublime Dahlia Noir et d’Olivier Thyskens un exceptionnel désespéré de Courbet. Des œuvres pleines de références et pensées jusqu’aux cadres, souvent anciens, ajoutant au kitsch de la photo, mais jamais choisis par hasard.
Parce que Pierre & Gilles sont deux, on découvre aussi dans un petit cabinet de curiosités dédié à leur travail commun, le travail de chacun et quelques cadeaux qu’ils ont pu faire à l’autre.
Leur regard sur l’Histoire de l’art et leur attachement à la Normandie (Gilles est né Havre) transparaît dans la sélection qu’ils ont effectuées dans les collections du Musée Malraux. On y trouve beaucoup de scènes et paysages normands, juste assez pour donner envie de s’installer face à la mer ou à la campagne et de ne plus en bouger. Un avant-goût parfait avant l’exhaustif accrochage de ciels normands d’Eugène Boudin à découvrir dans les collections permanentes au premier étage.