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Qu’est-ce qui pousse à la disparition volontaire ? Qu’est-ce qui donne envie de changer de vie au point de faire exploser celle qu’on a déjà ? Je réfléchis souvent à me décolorer les cheveux, déménager au bord de la mer ou dans tout pays où je ne connais personne et dont je ne parle pas la langue, peu importe, seule compte la promesse de vivre à petite échelle avec juste assez d’épices pour me sentir vivante. Un lieu où aucune de mes connaissances actuelles n’aura jamais envie de venir, où je ne croiserais personne par hasard, où personne ne saurait où me joindre ni comment me retrouver. Juste de quoi fermer les yeux et me projeter dans un endroit dont je ne sais rien, une carte postale lointaine sans aucune prise avec ma réalité, fondue dans une foule anonyme, occupée et poliment indifférente. 

Comment choisir l’endroit où on disparaît ? Comment choisir la vie qu’on occupera — quelques mois, quelques années, le reste de son existence ? Comment préparer une disparition ? Est-ce qu’on réfléchit quelques jours, quelques semaines, toute une vie, et puis un jour c’est la goutte et on part et tout le monde trouve ça si soudain ? Est-ce qu’on prépare chaque détail et un jour on s’en va, pas tellement parce qu’on veut partir ce jour-là, mais parce que tout est prêt ?

Quel est l’élément déclencheur ? Quand est-ce qu’on étouffe au point de basculer ? Et pourquoi moi, je suis toujours à peu près là où je devrais être ? Même numéro de téléphone depuis vingt ans, même adresse depuis quatre, et quand je suis ailleurs, c’est dans l’appartement où je suis née. Une mélodie de vie prévisible, bien huilée où les mouvements se suivent avec des variations mineures. 

J’ai tenté. J’ai voulu disparaître quelques jours, goûter à cette liberté-là. C’était un entre-deux, un lieu que je connais mais où personne ne s’attendait à me trouver. Quelques proches au courant : personne ne s’inquiète, mais personne n’a la tentation de proposer un déjeuner, un goûter, un verre. Mieux encore, tout le monde comprend que j’en ai besoin, alors personne ne veut interrompre l’isolement relatif et temporaire. Rien d’autre que le confort de la solitude et de quelques conversations sans lendemain dans lesquelles je pourrais inventer toute une vie nouvelle, excitante, exotique. Une vie qui commencerait adulte, sans antécédents, sans contexte, une vie qui donnerait envie d’être présente, vivante, animée. Et puis je suis revenue, comme prévu. Sans regrets. Peut-être que ma vie à moi, la vraie, commence à me manquer. Peut-être que j’ai compris qu’il n’y avait pas plus de réponses à trouver là qu’ailleurs. Que je n’avais rien d’autre à fuir que l’ennui. Pas de menace imminente, pas de danger immédiat, rien d’autre que le vide et l’ennui et les mêmes questions qui planent en silence et recouvrent tout d’une fine couche de mélancolie que j’aurai toujours dans mes bagages.

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