Nobuyoshi Araki est-il un insatiable mais délicat pornographe ? Pornographe de sa propre vie, pornographe du temps qui passe, pornographe tout court ? C’est un peu l’énigme que l’on meurt d’envie de résoudre en sortant de l’exposition qui lui est consacrée jusqu’au 5 septembre au musée Guimet.
L’exposition s’ouvre sur des fleurs comme celle que l’on trouve sur l’affiche : érotisantes et sexuelles, elles s’offrent au regard du visiteur et lui donnent le ton de l’exposition : on sera troublé, ce sera ouvertement sexuel et en meme temps étrangement pudique. Excitant mais dérangeant. On aura l’impression de pénétrer une intimité dont on n’a pas tous les codes – et c’est quelque part le cas, à moins d’être expert en kinbaku.
L’intimité d’Araki, elle est exposée là à la vue de tous. Sa femme est un premier fil rouge, de leur voyage de noces illustré dans Voyage sentimental à son agonie et ses funérailles dans Voyage en hiver. Elle sourit peu, elle est saisie au saut du lit, dans l’ennui, parfois un chat la remplace sur les images, parfois on a la sensation que l’image est un cadre sans sujet. Dans l’exposition, elle est une ère sentimentale dans la création d’Araki, bien qu’on sente toujours chez lui une forme de douceur et de tendresse pour ses sujets.
Sujets qu’il déshabille pour les attacher des plus beaux noeuds du bondage, et parfois les juxtaposer à des paysages urbains. Figées et immortalisées, les jeunes femmes qu’il photographie ont l’air à la fois désarmées et pleinement en confiance face à l’oeil du photographe. On y trouve des yakuzas, des actrices, des modèles, Araki lui-même, le Japon. Le Japon est d’ailleurs dilué dans une série très riche dont j’ai presque regretté qu’elle soit exposée dans son intégralité. On ne sait plus où donner de la tête – mais c’est finalement représentatif de l’œuvre d’Araki, incroyablement prolifique. Cette série représente en tout cas une transition entre Araki le sulfureux et un retour à sa facette plus douce, faite de peinture qui apporte de la couleur aux photos et de clichés de ciel en hommage à sa femme.
Pourtant âgé de 75 ans et malade, le maître japonais de la photographie présente à Guimet un accrochage très peu teinté de nostalgie. Une rétrospective en noir et blanc tournée vers l’avenir, ou en tout cas vers demain.