Le choc vacancier est un choc culturel comme un autre, l’oisiveté (relative) en plus. On n’a le temps de voir la culture d’en face qu’en surface. En Californie – et particulièrement à Los Angeles, cette surface est faite de climat, de macadam et de faune et flore. La flore de Los Angeles, étonnamment, est en grande partie constituée de palmier incroyablement fins et hauts, comme s’ils voulaient rivaliser avec les gratte-ciel qui les entourent (je dis étonnamment parce que ce sont souvent les arbres qui manquent de lumière qui filent vers le soleil, or les palmiers californiens sont loin d’être privés de rayons). C’est la première chose qui frappe en sortant de l’aéroport, les palmiers comme promesse du lieu à tout ceux qui viendraient des pays où poussent chênes et platanes : ici il fait beau et chaud, ici c’est les vacances, ici vous êtes au bord de l’océan.
On est quelque part dans ce cliché auquel on a envie de croire, le rêve américain dans la Sun Belt, la grande sécheresse qui est autant un élément du tableau imaginé qu’une urgence climatique.
Et puis les palmiers, les palmiers à perte de vue. Sur la plage, le long des routes, dans les banlieues résidentielles. On les prend en photo une fois, deux fois, trois fois, juste assez pour être sûr que l’on a la bonne photo, que l’on a su capturer le palmier sous tous les angles et dans toutes ses configurations.
On les protographie à la fois pour les rapporter en souvenir et trophée, ils illuminent n’importe quelle photo et dissipent aux yeux de ceux qui n’y étaient pas n’importe quel nuage. On les photographie aussi pour s’assurer de la véracité de leur présence : ils sont là, et s’ils sont là, c’est que je suis ailleurs, même si j’ai encore un peu de mal à y croire. On s’émerveille des palmiers comme on s’émerveille de tout, du plus caractéristique au plus trivial.
On s’extasie de chaque palmier jusqu’au moment où l’on acte les vacances. Fini le décalage horaire, fini le rêve. En quelques jours, en surface, on s’habitue à être en vacances, en vacances sous les palmiers.