Jusqu’au 14 mai, Juliette Binoche est une Antigone d’émotion pure, reprenant sur la scène du Théâtre de la Ville le texte de Sophocle dans une mise en scène moderne mais intemporelle du talentueux Ivo Van Hove.
Il n’y a pour moi trois types d’histoires qui supportent parfaitement le changement d’époque et le déplacement de lieu : celles de Shakespeare, celles d’Ibsen et les tragédies grecques. La destinée d’Antigone appartient évidemment à troisième catégorie.
Antigone, c’est la femme déchirée entre le bien et la loi après la mort d’un frère, être cher et irremplaçable. Antigone, c’est celle fait face à Créon, son oncle manichéen pour qui deux frères fratricides sont forcément ennemis et pour qui ne pas être avec lui, c’est être contre lui. Antigone est le personnage qui refuse de se soumettre à l’absurdité de la loi des Hommes avant de la retourner contre eux par la colère divine.
L’Antigone de Sophocle, c’est une pièce sur la lâcheté et le courage, l’alliance et l’adversité, les principes et la raison. C’est aussi une pièce où les rois réapprennent leur faiblesse face aux dieux et aux devins, les hommes découvrent le pouvoir des femmes, et où ceux qui pensent décider sont frappés par la force de leur destin.
Dans la mise en scène d’Ivo Van Hove, Antigone, jouée par Juliette Binoche, devient un lumineux concentré d’émotion pure. Binoche est magnétique dans son expression du deuil, de la tristesse, du désespsoir. Créon n’est que tyrannie puis regrets, Ismène est soutien puis désaveu, Eurydice est vie puis agonie de tristesse… Finalement, la talent de Van Hove, c’est de créer des personnages manichéens, à l’image des contrastes présents dans la pièce, mais pas caricaturaux. Ils passent en une seconde d’une émotion à l’autre, mais c’est toujours juste, toujours universel, toujours intemporel. On en frissonne. Le décor sobre, moderne mais daté (très années 1970) renforce cette impression d’universalité en plaçant la pièce dans une époque ni lointaine, ni proche, et rapidement oubliée au profit du grand disque solaire ornant le mur du fond, thermomètre des émotions et de la vie.
Cette pièce est un plaisir fou à voir, un concentré d’émotions à fleur de peau qui résonnent en chacun, et OUI, il reste des places.