J’espère que vous êtes aussi amoureux de l’endroit où vous vivez que je le suis de Paris. English version of this post.
Une amie m’a dit un jour, autour d’un verre au soleil, que j’étais la personne la plus parisienne de son entourage. J’imagine que j’incarne d’une certaine façon l’un des archétypes qui peuplent cette ville, avec mes manteaux trop grands et vêtements colorés, mon amour des expos d’art contemporain et des soirées au théâtre, le lien que j’ai créé avec mon incroyable cordonnier à force de marcher trop vite et une forme de liberté qui vient avec un emploi du temps de free-lance plutôt flexible. Mais peut-être qu’être Parisienne vient plus de la façon de faire ces choses que des choses elles-mêmes.
Paris est ma relation la plus longue, la plus sécurisante et la plus libre. En 15 ans, la ville est devenue un port, une compagne de route, un phare. Une infinité de chemins sur lesquels me perdre et d’opportunités de me retrouver. Après tout ce temps, je regarde toujours avec émerveillement ce que je pense connaître (la Tour Eiffel là où je ne l’attends pas, des nouveaux sandwiches dans mon café préféré) et ce que je n’avais jamais remarqué (une enseigne de métro de style particulier, un bar avec une bonne playlist).
Je réfléchissais presque sérieusement à quitter Paris quand mon amie m’a fait remarquer à quel point je faisais partie de cette ville. En pesant les avantages et inconvénients de suivre ce que je pensais être l’amour, mon attachement à Paris semblait être un fil à la patte qui m’empêchait d’avancer. Après m’avoir demandé dans quelle autre ville en France je serais prête à vivre et m’en avoir fait envisager quelques-unes, la personne qui avait soulevé cette question est arrivée à la conclusion que : “Aucune ville ne te convient ! Tu n’es pas prête à partir !” Ça me coûte un peu de l’admettre, mais toutes ces villes, bien que séduisantes, n’étaient pas faites pour moi. Elles n’étaient pas la ville dont les rues, les musées, les théâtres et surtout les amitiés m’avaient vu traverser histoires d’amour, peines de cœur, désespoirs, joies et envies de glaces.
Dans aucune autre ville je ne retrouve cet équilibre de plénitude et d’incertitude, d’être moi-même et de savoir que l’idée du soi est en suspens, de rêverie solitaire suivie de moments entourée de ceux que j’aime, d’impression d’être exactement là où je dois être tout en sachant que cet endroit-là n’existe pas. D’apaisement et de révolte pour un monde meilleur.
Je plaisantais l’hiver dernier que mon amour pour Paris m’avait sauvé la vie et préservé ma santé mentale, mais ça n’était pas vraiment Paris : c’était les habitudes que j’y ai construites, les ami·e·s que j’y ai rencontré·e·s et ce qu’elles et ils m’y font vivre. La possibilité d’être une anonyme dans la foule et de papoter avec ma caviste préférée la seconde d’après, de tomber sur une amie du lycée au restaurant derrière chez moi et de partager un déjeuner improvisé avec un ami perdu de vue qui a réussi à quitter Paris, lui (mais y revient souvent). Ces personnes pour qui j’ai transporté la terre entière dans le panier de mon vélo – courses du quotidien et bouquets d’anniversaire, gâteaux pour des rendez-vous galants ou des colloques, bouteilles de vin de consolation et goûters qui redonnent le sourire – et qui en ont fait autant pour moi, si ce n’est plus (sûrement plus). Autant de rencontres qui ont fait de Paris la ville où être qui je veux, et peut-être tout simplement moi-même.
Comments are closed, but trackbacks and pingbacks are open.