Je vous écris depuis le train qui me ramène de Marseille.
J’en reviens parce qu’il y a quelques mois, une femme que je n’ai jamais rencontrée m’a dit de reconstruire des souvenirs par-dessus les anciens. Et après six semaines à dire oui à tout, à rendre visite à des amies, de soirées jeux de société en verres de champagne, Marseille était la ville où finir de goûter à un autre air.
Alors j’ai pris le train avec une amie pour une ville où j’aurais pu vivre une autre vie que la mienne, mais où je ne suis pas partie parce que j’aime trop ma vie. D’ailleurs, je ne sais pas trop, peut-être que ce n’est pas tant ma vie que j’aimais et que j’aime, peut-être que c’est Paris, peut-être que je l’aime trop. Peut-être que c’est un fil à la patte. Peut-être que c’est une ancre, de celles qui empêchent de dériver, d’être ballottée par les flots et de s’écraser contre un rocher dans un éclat d’écume de Méditerranée.
Je n’étais pas venue à Marseille depuis 5 ou 6 ans et j’appréhendais ce long weekend. J’avais envie de m’approprier un peu cette ville dont on m’avait tant vanté l’ouverture sur la mer et la possibilité de se baigner tous les matins, en habitant les bons quartiers et en ne craignant pas le froid.
Mais la première chose qui m’a frappée – et probablement celle qui me fera revenir, au-delà des rencontres – ce sont ces massifs montagneux qui entourent la ville et définissent un tronçon de chaque horizon ou presque, en surgissant au bout d’une avenue ou entre deux bâtisses. L’impression, erronée sans doute, que Marseille est poussée vers la mer par les reliefs, comme si glisser depuis les hauteurs était pour l’énergie de la ville la seule façon de s’échapper.
En tournant le dos à la mer, Marseille devient le possible de la solitude à flanc de collines et à l’aplomb des calanques. Les sentiers de randonnée comme autant de chemins où mettre un pied devant l’autre et parcourir des itinéraires tout tracés, en se perdant parfois, mais en sachant à peu près où on va. C’est peut-être ce dont manque la mer : d’indications pour montrer aux flâneurs en manque de cartes que d’autres sont déjà passés par là et ont balisé le chemin.