J’écris beaucoup dernièrement. Plutôt au clavier qu’à la main, un signe que j’écris pour être lue le moment venu, si les mots un jour sont prêts, alignés comme il faut les uns après les autres. C’est un peu inconfortable et très solitaire, ça remue, ça re-mue, ça fait changer de peau, comme un rasoir trop aiguisé qui arracherait tout sur son passage. Alors je cherche comment a·encrer la lumière entre des milliers mots nés d’une introspection douloureuse mais nécessaire, quand le cerveau ne s’arrête pas mais le corps lâche, alors qu’au fond, sur le long terme, tout va bien. Le questionnaire de Proust semble parfait pour ça : il est une façon de fouiller en soi, d’explorer l’extime, ce qu’on est prête à avouer à soi-même. Si c’est une prétention que d’imaginer que les réponses intéressent les autres, c’est aussi un cadre rassurant de mots choisis plutôt que de maux à épuiser, entre le milieu de la nuit et un énième morceau de la radio Spotify liée à J’irai où tu iras (pardon les voisins). Les eaux des torrents sont violence et les neiges sont éternelles et pour un empire je ne veux me dévêtir, suis ton cœur qui insiste, ce monde n’est pas le tien, c’est la fin, le tout dernier matin.
Ma vertu préférée. La mesure, sa juste application étant de répondre à toute situation avec l’intensité qu’elle requiert.
La qualité que je préfère chez un homme. La sincérité, la justesse dans l’effacement comme dans l’affirmation, et l’attention au détail, sur soi et chez les autres.
La qualité que je préfère chez une femme. L’indulgence envers ses propres contradictions, la sororité bien ordonnée.
Ce que j’apprécie le plus chez mes amis. La constance de l’inconstance. La joie de les retrouver jamais tout à fait les mêmes, mais toujours fidèles à elles-mêmes et eux-mêmes.
Le principal trait de mon caractère. L’indécision. Longtemps, je me questionne, je fuis, j’évite, jusqu’à la seconde où je sais et mon principal défaut prend le dessus.
Mon principal défaut. L’impatience. J’ai envie d’abandonner tout ce qui ne va pas assez vite, que ce soit de mon fait ou celui des autres. Je voudrais tout, tout de suite, ou au moins connaître la fin pour savoir si ça vaut la peine de vivre le début. Et quand je me fais violence et prends mon mal en patience, c’est toujours à mauvais escient. Ça et les pieds froids.
Mon occupation préférée. La recherche du beau et de la légèreté.
Mon rêve de bonheur. Paris, à une heure des gens que j’aime et qui n’y vivent pas, et à une heure de la montagne. Même si j’adore regarder défiler le monde depuis un fauteuil de train.
Quel serait mon plus grand malheur ? Ne plus voir l’ailleurs en fermant les yeux. J’y pense souvent et ça me terrifie.
Ce que je voudrais être. Avide de banal.
Le pays où je désirerais vivre. Celui où tout est juste.
La couleur que je préfère. Le bleu, sous toutes ses formes, mais surtout ce bleu éblouissant des ciels de montagne l’été.
La fleur que j’aime. La jonquille, sa saison courte, cette façon de fleurir les parcs en bosquets éphémères et les trottoirs en petites bottes serrées.
L’oiseau que je préfère. Le paon. Petite, je voulais toujours rapporter à la maison les plumes qui traînaient dans le parc Łazienki. Et un jour, j’ai vu à Lille un paon blanc…
Mes auteurs favoris en prose. Susan Sontag, Kazuo Ishiguro, Virginie Despentes, Auður Ava Ólafsdóttir, Roxane Gay.
Mes poètes préférés. Cendrars & Apollinaire. J’ai été obsédée par La Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France à l’adolescence comme je ne l’ai été par aucun autre texte.
Mes héros dans la fiction. J’ai accidentellement rempli ma fiction d’héroïnes.
Mes héroïnes favorites dans la fiction. Lady Macbeth et Marguerite Gautier, celles prêtes à s’oublier par amour – ce sens du sacrifice volontaire m’impressionne.
Mes compositeurs préférés. Hania Rani & Dobrawa Czocher pour la délicatesse de leurs silences. Bach pour sa façon de remplir l’espace. John Cage pour son accompagnement de la danse. James Blake pour tout ça.
Mes peintres favoris. Inès Longevial, On Kawara – toutes celles et ceux qui déclinent des univers à partir du plus trivial.
Mes héros dans la vie réelle. Les artistes du spectacle, ceux qui arrivent à devenir quelqu’un d’autre pour donner du bonheur aux autres pendant quelques heures, sans pour autant s’oublier. Et les techniciens, sans qui rien ne serait possible.
Mes héroïnes préférées dans la vie réelle. Les femmes qui écrivent et créent dans les interstices de leur vie. Celles qui se sont oubliées par l’absence d’interstices.
Mon aliment et boisson préférés. Les œufs-mayo à la ciboulette, les pommes de terre nouvelles avec un verre de lait caillé. Le gâteau au fromage blanc de ma grand-mère. Tout ce qui renvoie à l’enfance. Chez les autres, tout ce qui raconte une histoire.
Mes noms favoris. Ceux qu’on ne chuchote qu’au creux de l’oreille.
Mes héroïnes dans l’histoire. Les faiseuses d’ange et toutes celles qui ont résisté à l’ordre établi.
Ce que je déteste par-dessus tout. L’absence de convictions. La manipulation des foules par la peur. Les poivrons, la banane et la noix de coco.
Les personnages historiques que je méprise le plus. Ceux qui détournent le regard alors qu’ils auraient eu le choix de faire autrement. Ceux qui retournent leur veste par opportunisme.
Le fait militaire que j’admire le plus. La bataille de Varsovie, pour la place qu’y joue la foi.
La réforme que j’estime le plus. Celles qui ont permis à celles et ceux qui ne sont pas de la classe dominante à disposer un peu plus de leur vie.
Le don de la nature que je voudrais avoir. La confiance en l’avenir. Ça et la capacité à réchauffer mes pieds.
Comment j’aimerais mourir. Sans m’y attendre et sans souffrir.
Mon état d’esprit actuel. En recherche de douceur. Et d’une respiration, peut-être.
Les fautes qui m’inspirent le plus d’indulgence. Les fautes de goût. D’ailleurs, j’ai beau en discuter parfois, je ne suis pas certaine qu’elles existent.