Au travers d’une quinzaine d’oeuvres de Richard Serra et de Mehdi Moutashar issues de la collection de Didier Moiselet, le Palais du Tau de Reims accueille jusqu’au 12 mars Au-delà de la forme, un espace de dialogue entre ces deux artistes phares du minimalisme.
Est-ce qu’on aurait pas un peu fait le tour du white cube ? S’il va bien à l’art contemporain, la pierre et les voûtes médiévales de la salle balle du Palais du Tau apportent indéniablement une lecture différente aux oeuvres exposées. On pourrait subdiviser la douzaine d’oeuvres présentes de Moutashar en trois parties complémentaires – un travail autour de la calligraphie et des caractères arabes, une déclinaison presque cinétique du carré, des oeuvres plus grandes où la ligne et le pigment ont toute leur place. Celles de Serra, plus rares, sont des grands formats faussement monochromes, des pièces de tissu avec un relief incroyable, des oeuvres où le geste et la matière sont des évidences.
Dès l’entrée de l’exposition, on a une vue d’ensemble de la conversation tout en étant attiré par les oeuvres dans lesquelles Moutashar explore la calligraphie. Cette partie de l’accrochage un peu isolée du reste est une excellente entrée en matière.
Paradoxalement, la complexité de l’équilibre entre les caractères arabes et la géométrie apportée par Moutashar donne une grille de lecture pour la suite : si l’exposition est surtout faite de contrastes entre le noir et le blanc, si la ligne est pure, c’est surtout pour mieux mettre en avant le geste et la matière comme lien entre la tradition et le contemporain.
La main de l’artiste saute aux yeux chez Serra, la maîtrise frappe chez Moutashar, et pourtant chacun des artistes trouve son propre équilibre entre les deux et ces équilibres se répondent.
C’est là aussi que les oeuvres de Richard Serra et de Mehdi Moutashar se fondent dans la salle basse du Palais du Tau : cette partie du monument, la plus ancienne, est moins fastueuse que les salles qui la suivent dans le parcours de visite. Pourtant, c’est à la fois une fondation sur laquelle le Palais du Tau a été (re)construit et une pièce où les piliers et les clefs de voûtes d’ogives racontent – par le travail des artisans – aux visiteurs une histoire qu’ils doivent reprendre le temps de décrypter. Un peu comme une oeuvre contemporaine qui révèle quand on s’en approche le geste de l’artiste.