Ça y est, avec la charte Tous Photographes, le Ministère de la Culture a tacitement autorisé les visiteurs à prendre en photo les oeuvres dans tous ses musées, à condition de respecter quelques règles de bonne conduite. Tous ? Non ! Car un musée rempli d’irréductibles gardiens résiste encore et toujours à la photo des visiteurs. Evidemment, il s’agit du Musée d’Orsay. Considérant qu’en dehors de quelques rares exceptions (et encore !) leurs artistes sont morts depuis suffisamment longtemps pour que la question des droits ne justifie pas cette interdiction (qui serait alors plutôt une interdiction de diffusion), voilà quelques trucs et astuces pour prendre des photos quand les gardiens sont aux aguets.
Analysez le gardien.
– La bonne pâte. Le gardien-bonne pâte, c’est celui qui est soit en train de lire un livre ou d’avoir une conversation passionnée au téléphone et donc ne vous verra pas. Ou il vous verra, mais ne vous dira rien quand vous croiserez son regard (et vous le croiserez, croyez-moi).
– Le vigilant, mais compréhensif. Vous avez l’impression que le gardien fait des tours de pièces pour voir tout ce qui s’y passe ? Il le fait sans doute pour ne manquer aucune infraction aux recommandations pas boire-pas manger-pas photo-pas téléphone. S’il vous voit, il viendra vous voir ou attendra que vous passiez à côté de lui pour vous rappeler gentiment que les photos sont interdites, que vous pouvez en prendre une en souvenir, mais pas plus.
– Le pas super sympa. Ok, vous venez de vous faire choper en train de faire une connerie. Dans beaucoup d’expo, les interdictions de photographier sont affichées une fois dans un coin de l’entrée, ou encore en petit à côté de certaines oeuvres, ou parfois pas du tout. Le gardien pas sympa, c’est celui qui fait son boulot, mais en bonus vous sermonne un peu longtemps, vous attrape par le bras un peu vivement ou qui crie à travers la pièce pour que vous lâchiez votre appareil (alors que vous ne parlez pas sa langue). Il peut aussi vous suivre tout au long de votre visite pour éviter les récidives. (Toutes ces situations sont bien réelles.)
Le bon endroit, le bon moment.
Vous imaginez bien que prendre une photo quand vous êtes seul dans une salle d’expo avec un gardien qui vous épie n’est pas le bon moment pour tester sa vigilance. Préférez plutôt les musées et salles avec un peu de monde (pas trop, pour ne pas vous gêner), ou encore les salles sans gardien (si si, il y en a). Enfin, observez. Si la salle a des angles morts, forcément peu visibles des gardiens, c’est là que vous voulez être. Si le gardien fait les 400 pas (entre deux salles, idéalement), analysez sa vitesse de marche pour savoir quand vous serez à nouveau dans son champ de vision. Si le gardien vous voit tout le temps, essayez au moins d’être dos à lui, croisez-les doigts et prenez votre photo. Si le gardien est en train de papoter avec des visiteurs ou de disputer des enfants qui courent et touchent des œuvres, saisissez le moment. S’il vient de demander à quelqu’un de ranger son appareil, laissez tomber tant que vous êtes dans son champ de vision ou soyez vraiment très discret.
Dans tous les cas, n’hésitez pas à vous munir d’accessoires (enfants, amis, parents) qui pourrait détourner l’attention du gardien. Si vous n’en avez pas, ayez des yeux partout. L’observation et la réactivité sont la clef de la clandestinité.
Équipez-vous.
On dit parfois qu’en photo, le bon equipement permet de sublimer le talent. Ça sous-entend qu’avoir un œil, c’est bien, mais sauf si vous n’êtes pas un hipster qui n’utilisera jamais autre chose que son Diana F+, avoir aussi un gros boîtier et un gros objectif, c’est mieux. Hé ben figurez-vous que l’art délicat de la photo d’expo clandestine nécessite également le bon équipement. On dit non aux gros reflex qui prennent de la place, avec lesquels on aime prendre le temps de faire des réglages et qu’on garde bien souvent autour du cou. Ils vous donnent automatiquement un air suspect. Prenez plutôt un smartphone qui sort facilement de sa veille (mieux : désactivez la veille pendant la visite), se déclenche vite, fait et réajuste rapidement ses mises au point, c’est votre meilleur ami pour la vie. En plus, vous pourrez toujours faire semblant de consulter vos textos ou de chercher des informations complémentaires sur les œuvres. Si vous avez un appareil compact qui répond aux mêmes critères, c’est très bien aussi, pensez simplement à désactiver le flash, puisque le but est de faire discret.
Si vous voulez vous démarquer et que vous avez un petit budget appareil/développement (environ 25 euros pour 39 pauses, d’après mon expérience), prenez un jetable, c’est très bien aussi et on a le plaisir de découvrir ses photos quelques jours plus tard. Il faut simplement être encore plus sûr de son coup qu’avec un apn (on ne peut pas shooter 1000 fois une œuvre…) et on est moins discret qu’avec un téléphone.
Pour résumer, le bon appareil est léger, ultra-maniable, rapide, sans flash auto et petit pour pouvoir se glisser dans une poche de manteau ou une brochure d’expo, caché mais à portée de main.
Dégainez, tirez.
Un mauvais photographe d’expo, il voit une oeuvre, il tire. Un bon photographe d’expo, il voit un cadrage, il tire.
Voir une œuvre qui vous plaît et sortir directement votre appareil, c’est perdre le photo game. On prend son temps, on fait le tour de l’œuvre, on respire et on réfléchit. Est-ce que c’est l’œuvre que je veux ? Est-ce que c’est une partie bien particulière de l’œuvre ? Est-ce que c’est l’œuvre dans son environnement et/ou la façon dont sont disposées plusieurs oeuvres de l’expo ?
Si vous avez répondu oui à la première question, lâchez votre appareil, prenez un carnet, un crayon, et cherchez des photos professionnelles ou numérisations de l’œuvre en question. Si vous avez répondu oui aux deux questions suivantes, repérez bien la partie de l’œuvre ou de l’expo que vous voulez, réfléchissez au(x) cadrage(s) qui s’offrent à vous, et quand vous avez choisi, mettez-vous dans la bonne position, sortez votre appareil et bam, coup de déclencheur ! Et hop, on range l’appareil. Soyez rapide, précis, naturel. Le geste doit être net et discret, vous voyez ? (Sauf si aucun gardien n’est dans le coin, là, prenez votre temps.)
Et si vous vous faites choper malgré tous ces bons conseils ?
Clairement, une seule solution : jurez de toutes vos forces que vous ne saviez pas, que vous ne le ferez plus, changez de salle, recommencez.
Vincent
Bravo pour cet article qui me rappelle bien des visites…Quel sport parfois !
Mais ce petit frisson, c’est pas si mal parfois… surtout quand on a réussi la photo parfaite à l’insu du gardien posté à quelques mètres !