Share on FacebookTweet about this on TwitterShare on LinkedInPin on PinterestShare on Google+

Read it in English

Mon tatouage le plus récent a un an.

Je réfléchissais à le faire depuis quelque temps, mais je n’avais pas prévu qu’il arriverait un peu à l’improviste au milieu d’une soirée karaoké. C’était le bon moment et la bonne occasion pour un rappel petit mais toujours visible que tout revient tôt ou tard à l’équilibre.

Pendant l’année écoulée, j’ai beaucoup pensé à la façon dont certaines femmes semblent changer leur vie du tout au tout après un choc émotionnel. J’ai de mon côté refait un peu ma déco interne, marché quelques pas timides sur des chemins non-encore explorés. Mais peut-être est-ce le moment pour un changement plus gros, visible de l’extérieur, tangible. 

Un an plus tard, la flèche ronde sur mon doigt est une certitude plutôt qu’un espoir – la roue finit d’une certaine façon par tourner – et je la regarde désormais pour trouver le courage de faire quelque chose dont je n’ai pas exactement l’habitude : prendre le temps de me trouver une légitimité, au risque d’être la seule à le faire. Il m’a fallu du temps pour en arriver là : je suis revenue à l’écriture, puis j’ai commencé à avoir des projets plus longs, puis trois choses ont se sont parfaitement emboîtées dans mon esprit.

J’ai donné à Une Chambre à Soi de Virginia Woolf un sens plus concret. Peu importe à quel point je suis admirative des femmes qui créent, et écrivent, surtout, dans les interstices de la vie, ce ne sera jamais mon cas, mon attention est trop inconstante. J’ai besoin de cette chambre, pas en tant que périmètre physique, mais en tant qu’espace où je peux suivre mon propre fil de pensée sans être interrompue, et où je n’ai pas à me soucier des soucis qui me rendent anxieuse au quotidien (si je n’arrive pas à exceller dans les domaines en apparence simples, si ma cuisine est en désordre, comment prétendre à la complexité de l’écriture ?).

Et puis, j’ai repensé à la routine d’écriture de Maya Angelou. Je me souvenais avoir lu il y a des années qu’elle écrivait dans une chambre d’hôtel, ce qui me semblait à l’époque être une effroyable perte d’argent. En y revenant il y a quelques semaines, je me suis rendu compte qu’il n’y était pas tellement question de la chambre, mais d’avoir une routine dénuée de distractions. Pas de décoration pour retenir le regard, personne pour déranger un espace qu’elle retrouvait le matin tel qu’elle l’avait laissé la veille, un espace dont elle n’est pas responsable et dans lequel elle apportait des livres et auteurs qu’elle aimait, dont Les Psaumes (j’emmène depuis un an partout avec moi Fragments d’un Discours amoureux de Barthes).

Ce qui a relié ces deux éléments dans mon esprit, c’est Trois Couleurs : Bleu de Kieślowski, où Julie délaisse les oripeaux de sa vie passée pour mieux devenir elle-même et atteindre la liberté.

Je ne m’identifie pas à elles, évidemment… À part peut-être Julie – attention, spoilers – mais comment faire autrement façon au parcours bleuté d’une femme qui perd celui qu’elle considérait comme son partenaire de vie, nage pour tuer le temps, emménage dans un appartement vide dont personne n’a l’adresse, apprend qu’il avait une autre relation dont tout le monde connaissait l’existence, est bonne pour l’autre femme – qui est enceinte, et finit par comprendre qu’elle doit vivre sa propre vie après avoir utilisé son talent pour faire briller son mari… et cette scène où elle entre dans un café et le serveur connaît déjà sa commande, et quelle commande… Mais je m’égare.
Je ne m’identifie pas à elles, ce serait prétentieux, et j’aurais voulu avoir d’autres exemples à invoquer à quelques heures de ma propre aventure d’écriture. Des exemples avec moins de privilège, peut-être – et je parle ici strictement des moyens de production évoqués dans les exemples eux-mêmes : louer une chambre pour y écrire n’est pas donné à toutes, et je mesure ma chance de pouvoir laisser quelques jours ma vie derrière moi, en répondant à un email de temps à autre, et de choisir à qui je parle et quand (de préférence à l’improviste). J’ai la chance de pouvoir disparaître pour mieux apparaître à moi-même. Et pour revenir à l’équilibre.

Share on FacebookTweet about this on TwitterShare on LinkedInPin on PinterestShare on Google+

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.